viernes, enero 04, 2008

Mon Amour pour toi

Fotografía: Lila Magritte

Une bataille dans le ciel s’est produite…

Apocalypse, 12-7
-On renouvelle le contrat pour 10 années de plus?
A minuit, dans le ciel sans lune qui surplombait l’an 2000 à la fois tant espéré et craint, des feux d’artifice en cascades vertes et amarantes explosaient.
Tomas me tenait par les épaules et nous admirions ensemble, l’horizon de notre ville natale, dans une atmosphère où le nouveau millénaire rimait avec science-fiction et films avant-gardistes. Cette ville, nous l’avions tous les deux abandonnés, 30 ans auparavant, pour de différentes raisons.
S’agissait-il d’une plaisanterie lorsque Tomas me dit, au beau milieu du chemin de Santiago à Serena, que nous allions être les témoins d’un opéra cosmique qui nous attendait depuis le jour de notre naissance ? Des idées et des phrases du genre lui passent souvent par la tête. En compagnie de nos voisins, nous attendions les douze coups de minuit sur la terrasse avec vue sur mer et nous partagions des souvenirs de parents tantôt vivants tantôt éteints.
-Tu te rends compte, petite cousine, de la vitesse à laquelle sont passées les années.
Après que Gisèle a prononcé ces mots, je sentis un frisson me parcourir. J’ai donc préféré nous remémorer nos petites bêtises d’enfance ou de l’époque universitaire. Gisèle et moi avons toujours été très liées, presque autant que le sont 2 sœurs, et toute notre vie nous avons été confrontées à des situations difficiles qui ont fait de nous deux complices inséparables. Moi je l’admire parce qu’elle est médecin et elle, se vante de compter un écrivain parmi ses amis.

Tomas est arrivé avec deux verres de Coca-Cola. Silencieux et blottis dans les bras l’un de l’autre, nous profitions de cette vision panoramique qui partait du phare de la Serena et allait jusqu’au port de Coquimbo, où arrivaient quotidiennement les bateaux de la marine marchande, dont les drapeaux de différentes formes et couleurs flottaient au gré du vent gris, typique des matins de la Serena.
On attendait les douze coups de minuit chez l’oncle Ariel, le papa de Gisèle. Sa maison, qui était en fait une succession d’appartements, respectait les sinuosités et les méandres des collines sur lesquelles elle était construite. Une chose est sûre, l’oncle Ariel n’était plus là. Le temps ne lui a pas permis de voir du haut de ses terres, cette côte à partir de laquelle la Bête pouvait surgir. Combien d’esprits sur cette planète, peuvent bien s’être lancés dans un compte à rebours, pensant qu’il s’agit peut-être du dernier?
Mais au retentir du dernier coup de minuit, le futur se remplit de feux d’artifice. Ceux des siècles précédents de Chine, qui aujourd’hui crépitent joyeusement aux antipodes de la côte qui relie la Serena à Coquimbo en trois points équidistants, un peu comme si revenaient de la baie de Guayacán, lieu de non-retour, les pirates qui détenaient les colons terrifiés de l’époque: Charqui est arrivé à Coquimbo!, lorsqu’ils entendaient le nom tant redouté de Sharpe.
Les feux tombaient dans la mer et s’éteignaient entre les vagues qui ne faisaient plus qu’une, tout comme nos corps, impatients d’entrer dans un nouveau siècle. Nous étions ensemble et un nouveau millénaire s’offrait à nous, ainsi que cette large côte à perdre de vue et illuminée par les étoiles et les comètes, à la fois éblouissantes et inoffensives.
-Alors, on renouvelle le contrat pour dix années de plus ou pas?
-Dois-je l’entendre comme une proposition de mariage ? lui demandai-je.
-Tu n’es pas obligée de répondre. Joyeux 21ème siècle en avance puisqu’il ne commencera seulement qu’en 2001.
-Joyeux 21ème siècle à toi aussi –lui répondis-je mais j’ajouta immédiatement: Qu’importe? Nous le fêterons à nouveau l’année prochaine. –Nous fîmes tinter nos verres de Coca-Cola, en guise de toast, car pour nous, le temps des célébrations et des excès, qui nous avait éreintés, était révolu. Et ce, en contradiction avec le proverbe de William Blake qui justifie le chemin irréversible au bord du précipice: Le chemin de l’excès mène au palais de la sagesse.
A présent, après avoir surmonté l’enfer inévitable et superstitieux du gouffre de la fin du monde, le seul débordement qui nous faisait envie, était de nous approcher au maximum de cette autre forme de sagesse, celle du bonheur partagé. Un siècle se terminait, un autre naissait, mais sans promesses à l’horizon.
-Tu savais que l’Apocalypse a été écrite à Patmos, une île aride de Grèce, lors de l’exil de Saint-Jean par les Romains, en l’an 94 –me dit Tomas à l’oreille.
Je ne sais pas s’il voulait parler de la mer qui commençait se calmer, alors que la lune, cachée par les lumières multicolores, commençait à réapparaître dans le ciel et dessinait dans la houle un sentier sur lequel nous nous rencontrions. J’allais lui en toucher un mot mais je trouvais très poétique l’allusion de la Grèce et surtout le nom de cette île, Patmos. Île sur laquelle aurait déjà commencé l’an nouveau qui avançait, petit à petit, au fur et à mesure de la rotation de la terre. Ce n’était ni le commencement ni la fin. A 45 ans, avec un pied dans un millénaire et l’autre dans le suivant, tel un équilibriste sur un pont fendu et sous lequel le sang avait coulé comme l’eau. On pouvait déjà se sentir adultes, mais ces paroles, Tomas s’en était toujours méfié et il s’en méfierait toujours. Peut-être avait-il raison.
Soit, pensai-je, alors que je sentais ses bras pleins de chaleur entourer mes épaules nues, que j’entendais le bruit sourd des glaçons fondus dans les verres et que je distinguais les fragments de conversations des mes oncles et cousins. Je pense que l’apocalypse est déjà terminée.

Moi je voyais l’amour en noir et blanc

J’ai lu quelque part que l’amour n’a pas besoin de maison parce que c’est une sorte de tempête de neige qui rend les personnes moins tristes et plus légères; d’ailleurs, l’espoir non plus n’a pas besoin de maison : il est le refuge qui résiste aux hivers et aux tempêtes. Le jour où nous avons uni nos vies- ou le jour où nous avons aperçu cet impossible que nous étions à l’époque-, à tous les deux il nous manquait maison, ou autre logement, appartement, cabane, hutte, château mais aussi amour et espoir. Nous étions deux êtres humains vides en matière de possessions. Quel philosophe avant Socrate avait dit que la force génératrice du cosmos était l’Amour ? Alors que moi, j’avais fuit de l’enfer, Tomas en avait été expulsé par un ange muni d’ une épée d’eau-de-vie. Peut-être étions-nous en plein air, où rien ne ressemblait ni à un refuge ni à une oasis.
Nous avions tous les deux la même conception de l’amour; comme dans le poème Le Corbeau, d’Edgar Allan Poe : Never more, quant à notre conception de l’espoir? Mieux vaut en rire.
Durant l’hiver de 1990, il avait neigé sur Santiago. Tomas me raconta que cette nuit là, il errait dans sa rue, à Florida, où il venait à peine d’emménager. Il vit en la neige un présage, sans comprendre lequel. Tomas est athée- il dit l’être-, cependant il est toujours à l’affût du moindre présage en provenance de je ne sais où. Peut-être parce qu’il est poète.
-Ce qui m’émeut le plus dans le poème de Mío Cid- me raconta-il un jour, un verre de bière et une cigarette à la main- ce sont les signes qui inquiètent Ruy Diaz et le bref dialogue avec Alvar Fáñez, qui préfigurent son destin tragique.
Ce jour là, moi aussi je déambulais sous la neige, à la seule différence que moi, je ne crois pas aux présages, pas comme le fait de manière primitive Tomas mais je les vois plutôt comme des signes de Dieu pour nous rappeler son existence. Avons-nous tous deux pensé, sous ce même ciel enneigé de 1990, à la possibilité que l’amour nous accueille dans sa maison inutile?
Certes, sous cette neige, qui petit à petit se transformait en flaques d’eau recouvertes de boue et en brouillard cendré, se trouvait un couple qui dressait un inventaire inconnu l’un de l’autre, néanmoins, comme dans le laboratoire d’un alchimiste médiéval, ils commencèrent à créer un futur commun. Il ne restait plus qu’à penser à la solitude indispensable pour panser les blessures causées par l’amour. Comme le prince qui héberge un démon? Comme le vampire à qui nous ouvrons la fenêtre pour qu’il nous absorbe tout ce qui nous reste de vie ? Ou simplement, comme le célèbre convive de pierre, dur et insensible, qui par son propre rituel déploie la fausseté des corps qui eux aussi sont dangereux?
Moi à l’époque, je voyais l’amour en noir et blanc, comme dans les films de cinéma français de Normandie où rien ne se passe jusqu’à ce que les deux amants déclenchent la tragédie, et on en sort avec la sensation qu’après le malheur de ces deux derniers, tout reste à sa place, dans un monde indifférent aux tragédies personnelles. C’est ça la vie: une caméra dirigée par un metteur en scène talentueux, qui perd le fil des émotions pour trop s’attarder sur un cadrage ou un effet de lumière. Je n’ai jamais pris en compte les variantes de gris; pour moi, l’amour était un trou noir, énergie compacte mais stérile.
Tomas traînait avec lui une longue liste de corps sans traits et sans noms. Moi, j’en comptais quelque uns de moins. Premier hiver de la dernière décennie, accompagné d’hystéries millénaristes: les nostradamus et tarots actuels représentent les moyens de communication, la presse, la télévision, les oracles relatifs à la fin du siècle. Mais nous, gens simples, qui sortons à peine de nos propres apocalypses domestiques, comme dans le poème de mon cher Gonzálo Millán, avec de petites allusions à l’enfer et des clins d’œil à des films comme Les Nuits Avec Mon Ennemi ou Liaison Fatale, nous suivons le chemin tout tracé de nos vies. L’histoire cachée, plus communément, la psychopathologie de la vie quotidienne ou la sociologie de la classe moyenne et qui plus est, illustrée, passait sous la neige floue de cet hiver 1990 à Santiago.
Cette décennie débuta par de nombreux changements sur la scène du grand concert du théâtre du monde: chute du mur de Berlin, fin du régime militaire du Chili, démocratisation de la plupart des pays de la région, fêtes et vacarme dans les rues, célébration du NON, affirmation de notre droit à dire NON, et l’urgence, en plus de porter les allures de liberté publique à l’espace privé. Parmi tous ces changements et tous ces règlements de compte de l’histoire, celle avec H majuscule et celle avec h minuscule, pourquoi faut-il que ma propre existence émotionnelle, ma santé mentale et physique, mes désirs vains et le bâillon personnel, restent indemnes?
Je réaliserais ma poésie épique personnelle, mon Anabase, comme le titre préféré de mon livre de chevet préféré, qui un jour, illumina l’intuition de Saint-John Perse et qui se trouve toujours sur ma table de nuit, à côté de la Bible et c’est d’ailleurs celui que je lis en ce moment. Je commencerais à assumer, à comprendre, à travailler sur ma solitude et surtout, à enterrer l’amour comme l’a fait Rimbaud, l’éternel prophète, après un séjour en enfer qui laissa son imagination pour compte.
Il neigea beaucoup sur la ville et il fallait enchaîner de nombreuses causes et de nombreux effets pour assurer le bon fonctionnement de notre équation. Des douleurs toujours encrées dans mon toucher, mon odorat et mon goût, disparaissaient petit à petit, afin que les nuits vides ne puissent y pénétrer. Sous cette triste neige, j’étais, nous étions tels deux organismes minimes, unicellulaires qui se suffisent à eux-mêmes et qui doivent avoir recours à leur double participation pour pouvoir dialoguer. Je me sentais, il se sentait, dans l’état que mentionne Barthes dans les fragments d’un discours amoureux, des personnages de la Nausée, de Sartre, inutiles, scindés du monde, comme si ses habitants se trouvaient dans un bien-être liquide du laquelle nous étions tous deux exclus.
Il fallait encore attendre que quelque mois s’écoulent, que quelques mésententes s’estompent, encore 15 ou 20 minutes de retard, un moment d’hésitation entre le sentier nord et le sentier sud afin de pouvoir commencer à s’occuper de la maison, cet espace au beau milieu de la rue Emilia Téllez, à Nuñoa.
Le jour où nous l’avons visité, nous fûmes envahit par un sentiment d’enthousiasme digne de celui que ressentent les couples de films d’horreur, genre le bébé de Rosemary, qui en prévoyant le futur, s’aiment sur le parquet de l’appartement sans meubles, leur corps nus et heureux. Seul le spectateur sait que la fin de leur bonheur, qui les surprend par derrière, est proche. Ou cet "enfer tant craint", étranger au sentiment de culpabilité des blessés que nous laissons sur le chemin.
-Tomas, tu te souviens du poème d’Enrique Lihn qui dit: Nous cherchons tous un souterrain pour y vivre, peu importe l’endroit pourvu que ça ne soit pas une maison d’hôtes?
Lorsque nous sommes entrés dans la pièce qui allait être notre chambre pendant 5 ans, dans notre appartement du quatrième étage typique comme tous les nouveaux couples qui débutent- qui débute quoi?-, construit en matériaux légers et fortifiés en pavé de briques vermillions, qui lui donnait un semblant de consistance, m ‘étais-je attardée sur la fenêtre, ouverte pour que l’air puisse sécher la peinture et estomper l’odeur de latex? Et si je l’avais fait, avais-je pressenti quelque chose? Avais-je ressenti cette impression de vide dans l’estomac, de crispation des mains, de déjà-vu? Le fait est que la hauteur de la mezzanine, la largeur des armoires, les mètres carrées que comptait chaque pièce, la propreté de la salle de bain et de la cuisine, les verrous sur les portes, les angles de lumière qui entrent par les fenêtres me réoccupaient bien plus. Et bien non, je ne me suis pas attardée sur cette fenêtre.
Tomas, le regard porté vers l’extérieur me répondit que oui, en effet, il se souvenait du poème de Lihn et ajouta: Le paradis perdu se montrait à présent sous son véritable jour; un de ces petits appartements qui se louent pour un prix tout à fait raisonnable, et il m’embrassa.
-Nos ombres, main dans la main, étaient reflétées par les premiers rayons de soleil sur le parquet -ajoutai-je de Lihn
-Un havre de paix à la lumière d’une blancheur nuptiale -continua-t-il.
Je ne pouvais y échapper. Il avait toujours le dernier mot, il aurait pu achever le poème et en enchaîner d’autres qui lui venaient à l’esprit avec bien plus d’importance que les événements de la vie réelle, si je ne lui propose pas de revenir le lendemain pour s’assurer que cet endroit était bien celui dans lequel nous voulions vraiment commencer notre vie à deux.

Mi amor por ti, novela, Alfaguara, (I y II capítulos)
Traducción: Loredana Farruggia

8 comentarios:

Anónimo dijo...

Emocionante. Qué novedad.

Meigo, aprendiz de Druida dijo...

Te deseo lo mejor para 2008, que lo disfrutes, que permitas que compartamos un poquito tu alma en tu blog, que compartas la mia en el mio y que tus sueños sean realidad.
Un beso

Mustafa Şenalp dijo...

very nice a blog :)

Anónimo dijo...

hermosa foto!!! obvio po si es mi mami...ajajajajaja

besitos
y ojalá nos veamos luego

la hija

Thérèse Bovary dijo...

Sí, mi amor, nos veremos lueguito en La Serena.

Besitos
la mamy

Camila dijo...

hola
queria felicitarle y manifestarle
mi admiracion por su trabajo
la conocí en los carnavales culturales ..de lo que leyo mis favoritos fueron "Instrucciones para amar a un ángel" y ese no me acuerdo como se llamaba de la mujer que quiere matar a ese angel que se transformó en demonio


le cuento que

yo tengo 3 hombres ,


pero no puedo hablar con ninguno ...
Uno , el último en llegar me regalo sus ojos, aunque yo no queria sus ojos. Yo quería que sus ojos me miraran para yo poder mirar dentro de ellos. Pero no, él sin entender o sin querer entender, se los sacó y me los dio por cortesía o buena educación como un presente a un amigo con que ya no se habla.

Como hubiera querido que se hubieran quedado en su lugar para que miraran dentro de los mios.
Debo reconocer que en algunos ínfimos instantes ese maravilloso hecho sucedió y era tan intenso que los mios llegaban a doler.
Tambien hubo momentos contados en que pude ver su interior mientras tocaba piano y era en esos momentos en que dejaba de ser niño asustado y se presentaba como héroe navegando. Ahi fue cuando mas lo quice. Pero desapareció repentinamente y ahora no se que hacer con estos ojos que me regaló...de qué me sirven ahora?
La verdad los tengo guardados por ahi en esas cajitas donde guardo recuerdos y a veces los miro con melancolía y con la duda.. habrá sentido algo por mi?

El otro casi no importa

y El que mas importa lo llevo en mi corazón , aunque lo triste es que ese hombre ya no existe. En su lugar hay una sombra que se parece a él. Con ese no puedo hablar porque habita en el pasado y allí no podemos entrar. Cuando todo esta mal evoco su imagen porque como dicen: "da lo mismo a quien ames,aunque no te ame, aunque este muerto, aunque no sepas donde esta .." lo importante es que lo amo como podria haber amado al que me regalo los ojos

Pero al final de que me preocupo?
Mejor le hago caso a la sombra del hombre que amo, y a la cual por supuesto odio y escucho de nuevo esas crudas palabras que pronunció cuando asesinó a mi amado:
" Tu le das mucha importancia al amor, hay cosas mas importantes"


Quién dice que los angeles y los demonios no existen? theresa ud no pudo haberlos retratado mejor
muchaas gracias

Fortunata dijo...

Ma Cocote..¿il faut parler et ecrire an francaise....? !mon Dieu que tu me fait trabailler...´!

Je te adore....

Anónimo dijo...

ohhhhhh Theresa , querida doctora , ¿qué ha sucedido?, ¿por qué cambió de idioma? ¿qué hace con el quimono rojo bajo la sombrilla de seda? ¿ha cambiado la dirección de la clínica? !!!no la habrán comparado aquellos orientales que tantos quebraderos de cabeza nos ocasionaron !!! . Espero que a la llegada de este mensaje todo esté bien y que el 2008 le traiga mucha felicidad y trabajo (si es que ambas cosas fueran compatibles)

e.i.m